Paul avait 5 ans et il vivait avec ses deux sœurs et son père dans une maison violette. Paul aimait sa maison, elle était toute sa vie, il était né dans le salon, avait fait ses premiers pas dans cette chambre et mangé des pâtes au gratin dans cette cuisine la semaine dernière. Paul aimait moins ses sœurs qui étaient méchantes avec lui. Il préférait son chien Poofy, qui lui était gentil. Un jour, Poofy vint réveiller Paul en pleine nuit, Paul ne réalisait pas très bien ce qui se passait:
- Poofy, Qu'est-ce qu'il y a ? demanda-t-il endormi.
Le chien aboya, et fit comprendre avec des gestes de queue qu'il fallait sortir de la chambre. Paul enfila ses chaussons et sortit de sa chambre. Paul était dans un couloir et ne voyait rien de particulier, il voulait se recoucher, mais Poofy voulait l'attirer vers le jardin. Paul continuait à suivre Poofy lorsqu'il arriva dehors, il râla qu'il était encore en pyjama. Puis il entendit des grands rires, la famille Rizon, qui vivait à côté, organisait son barbecue annuel, et tout le monde venait de le voir en pyjama. Paul tenta de s'expliquer mais il était bien trop gêné, alors il rentra en précipitation. Dans la cuisine, se trouvait Joris, son frère.
- Alors Paul, on n'aime pas l'air hivernal, tu viens te réchauffer.
- D'accord, Boris, je vais prendre un chocolat.
- Mère est au travail, elle m'a fait dire qu'elle rentrerait tard ce soir.
Paul aurait bien voulu voir sa mère pour lui parler de son embarras de la veille, mais bon. Paul but son chocolat, enfila son sac et se dépêcha pour ne pas louper le bus. Paul n'aimait pas prendre le bus, premièrement il ne connaissait personne, deuxièmement le bus lui faisait peur et troisièmement il n'y avait que 5 places assises, ce qui voulait dire que les autres étaient debout.Le bus arriva et Paul monta pour s'installer lorsqu'il vit Jim, son meilleur ami, s'en suivit alors leur salut traditionnel:
- Salut Jim, alors ça va ?
- Oui, et toi ?
- Ça va.
Leur dialogue était stupide, mais aucun des deux ne voulaient le changer, cela faisait des années qu'il commençaient leurs journées ainsi, toujours avec la même question. Ils s'étaient rencontrés le jour de la rentrée en CE2, et depuis ils étaient les meilleurs amis. Ils arrivèrent enfin au lycée, Paul était inquiet de ne pas se trouver dans la même classe que Jim, mais il paraissait rassuré :
- Mon père est le principal et il m'a juré que nous serions ensemble.
Paul était moins stressé, mais il doutait toujours.
Puis vint la liste d'appel:
1è S1:
Paul
Jim
Alice
- Ouais, on est ensemble, dit Paul. Tu vois je te l'avais dit, lui dit Jim.
Ils se dirigèrent ensuite vers la salle 27 comme tous les autres élèves de la première S4.
Ils attendaient devant la salle, quand Paul regarda ses futurs camarades, il y avait Alice Spencer, Marie Deanoc, Vincent Feril et Xavier Wazzdaq. Leur professeur arriva enfin pour leur ouvrir la salle. Paul s'installa à côté de Xavier dans l'espoir de se faire un ami. Le cours commença.
- La semaine dernière nous avons vu la colonisation de l'Amérique par les colons, aujourd'hui nous aborderons la multiplication des nombres complexes.
S'en suivit une lourde leçon de littérature, mais c'était la matière préférée de Paul, donc cela resta supportable. Vint la récréation où Paul put enfin montrer son agilité aux billes.
- Je défie quiconque d'essayer de me battre.
- Moi je veux bien essayer, se désigna Marie Dernok.
Marie sortit ses cartes, elle tira l'As de Pique, Paul sortit la dame de cœur, il avait perdu. Il vit avec horreur Marie partir avec toute sa collection de billes.
Après la récréation, il était l'heure de manger. Paul avait apporté un hamburger, et Jim avait apporté des frites, à eux deux ils avaient un menu McDonald.
- T'en as pensé quoi, de la leçon de musique de ce matin ? demanda Jim
- Bof, je me suis endormi à la fin, mais j'ai bien aimé le passage de la flûte.
- Tu sais mon père qui est un grand musicien, il m'a dit que ce qu'on apprend ici c'est des bêtises.
- C'est vrai ?
- Oui, même que c'est mon père qui le dit, donc c'est vrai.
Jim aimait parler de son père et ne manquait jamais de rajouter qu'il était musicien et qu'il avait gagné sa première récompense en 1989 à l'âge de 13 ans.
Après avoir fini sa salade, Paul retourna en cours pour les leçons de l'après-midi. Au programme : Technologie.
Paul aimait la technologie, c'était le seul cours qui ne l'ennuyait pas, d'ailleurs quand il serait grand, il voudrait être technologue, comme sa mère. Les technologues étaient les personnes qui réparaient les antennes de télé quand elles ne captaient plus le câble, c'était essentiel pour le bien-être de la population.
Le cours d'aujourd'hui devait apprendre à reconnaître la différence entre une antenne fissurée et une antenne droite. C'était vraiment technique mais Paul aimait quand c'était technique.
Trois heures plus tard, les cours étaient finis et Paul aperçut la voiture de sa mère garée sur le parking.
- Alors ça c'est bien passé aujourd'hui, Paul ?
- Oui, maman, j'ai eu 5 heures de technologie et j'ai appris à différencier les antennes.
- Oh, c'est bien, mon chéri, moi ça fait un moment que j'ai oublié comment on différencie les antennes.
Ils rentraient chez eux, et bien vite, Paul aperçut la maison bleue qui était la leur. Devant la porte Max les attendait, et les gratifia d'un "Woof", Paul s'approcha de lui et lui caressa la tête :
- Bon chien.
Paul devait faire ses devoirs pour le lendemain, mais comme tous les enfants il préférait jouer. Dans sa chambre, à la place de devoirs, il jouait sur sa Nintendo 64, une console de dernière génération qu'on lui avait offerte pour son anniversaire 6 mois plus tôt. Paul passait son temps libre à jouer à Sonic Conquerors, mais il n'arrivait jamais à passer le monde 5 avec les boules de feu, Jim racontait qu'il y était arrivé, mais Paul ne le croyait pas. Cela faisait deux heures qu'il jouait quand son frère l'interrompit:
- Hé, Paul, tu joues encore, c'est pas l'heure d'aller à l'école ?
Paul regarda sa montre, il était déjà 8h02 du matin, il enfila son cartable et courut pour rattraper le bus. Il trouva une place à côté de son ami Jim :
- Bonjour Jim, tu vas bien ?
- Possible !
- Cool !
Paul avait hâte d'arriver à l'école, car c'était le jour du carnaval. Il enfila son tableau et pouf, lui et Jim étaient un robot. Ils marchaient comme ça dans la rue jusqu'à arriver au collège.
En première heure, la prof principale les réunissait pour la réunion d'orientation, on approchait de la fin du premier semestre, il fallait choisir ses options. Jim voulait se spécialiser en étude des koalas pour partir dans la jungle australienne et retrouver son père. Paul lui ne rêvait que de brosses à dents. Quand leur tour fut venu, Paul et Jim présentèrent leur déguisement, la classe applaudit leur audace mais regretta le manque de finition de la queue. Après la journée épuisante, Paul rentra chez lui, sa fidèle maison bleue. L'avantage d'être un enfant unique, dirait Paul, c'est que personne ne vient vous embêter quand vous vous amusez, mais parfois il aimerait avoir un frère ou une sœur pour lui tenir compagnie depuis la mort de sa mère et le travail de son père. Paul passait donc ses soirées à regarder la télé, car il n'avait pas assez d'argent pour s'acheter des jeux. Il redoutait l'approche de son anniversaire, son premier depuis le départ de sa mère, mais il restait confiant. Il passa une porte, la lumière était éteinte. Il l'alluma et une foule de personnes s'écria "SURPRISE !" ils lui avaient préparé une fête d'anniversaire ! Boris était là, il lui offrit un bande dessinée, Jim lui offrit un couteau de poche, et les Rizon s'étaient cotisé pour lui acheter un pantalon. Il repensait à la mésaventure de la veille où il les avait croisés en pyjama. Sur la table trônait un gâteau au chocolat. Paul adorait le chocolat, alors il prit une part.
Le lendemain, Paul ne se souvenait de rien, il avait une vague image de poulpe et d'un marsupilami, sur un trampoline. Aujourd'hui c'était dimanche, donc il n'y avait pas école. Il en profitait pour faire ses devoirs d'algèbre. Il devait résoudre le placement d'un plombier dans une surface kilométrique, Paul ne comprenait rien mais il se devait d'être bon en maths pour pouvoir continuer sa carrière. Après cette journée de travail, il rentra chez lui où l'attendaient ses deux enfants, Nino et Lila, Paul préférait Nino, mais il aimait beaucoup sa fille Lila aussi. Lila lui avait fait un dessin qui le représentait devant leur maison, Nino avait fait un collier avec des agrafes, Paul les remercia de leur attention, et les mena au lit. Paul était très fatigué, il détestait les lundis, qui placés au début de semaine nous désespèrent. Il aurait voulu regarder la télé mais la douane l'avait emportée le mois dernier en même temps que le lecteur CD, heureusement il leur restait leur piscine. Dans la piscine Paul gardait sa tortue nommée Billy. Billy ne savait pas encore nager, mais elle flottait, Paul s'en servait comme savon. Il barbotait dans l'eau en profitant du beau temps du mois d'août. Rêvasser sans se soucier d'argent, sa vie était beaucoup plus simple depuis qu'il avait gagné 50 000 000 d'euro au loto. Plus besoin de travailler, les enfant n'allaient plus à l'école, il avait pu renvoyer Joris. Mais il ignorait que quelqu'un jalousait sa réussite, un homme tapi dans l'ombre qui se nommait Grégoire.
Grégoire était du même âge que Paul, il avait 24 ans. Grégoire avait toujours détesté Paul aussi loin qu'il s'en souvenait. Leur rancune avait commencé le mois dernier, avant cela il le considérait comme un frère, mais l'année dernière il lui avait volé un sachet de moutarde à la cantine du lycée. Depuis Grégoire voulait lui faire payer cette saucisse. Il avait essayé d'abord lorsque Paul préparait sa licence de droit, il lui avait subtilisé son ordinateur portable, mais cela ne suffit pas à démoraliser Paul. Ensuite Grégoire essaya d'enlever Lila, la fille aînée de Paul, mais il ne remarqua même pas son absence. Grégoire était à court d'idées, alors il chercha de l'aide du côté des Rizon. Ce jour-là était le jour de leur barbecue annuel. Quand ils virent Grégoire, les Rizon l'acclamèrent :
- Vous êtes l'ami du petit Paul, c'était son anniversaire hier, nous ne vous avons pas vu.
- Je n'étais pas invité, répondit Grégoire.
- Oh, c'est dommage c'était une belle fête, nous lui avons offert un pantalon.
Grégoire réfléchissait à une manière polie de faire taire cette femme alors il lui dit:
- Je voudrais vous parler de Paul et de ses problèmes d'argent.
L'homme fut étonné, quels problèmes d'argent ?
- Paul a gagné plus d'argent qu'il ne pouvait en dépenser, il va devenir fou, ce serait une bonne idée que de l'accompagner avant qu'il ne fasse une erreur.
- Vous avez raison, il ne faut pas qu'il regrette, ajouta Céline Rizon.
Pendant ce temps, Paul écoutait à la radio l'émission culinaire du chef Polar.
- Et voilà comment on fait des œufs.
Paul avait pour ambition de réaliser toutes les recettes du chef Polar, dans l'espoir de se faire remarquer. Jim qui était toujours avec lui, lui demanda s'il allait bien, Paul répondit qu'il allait bien mais qu'il avait mal au ventre.
- Tu devrais t'allonger, lui dit Jim.
- ça ne changera rien, j'en ai bien peur.
Un cri envahit la maison rouge, c'était Milo qui faisait un cauchemar
- Qu'y a-t'il Milo ?
J'ai fait un rêve où Maman était là et voulait me vendre au marché.
- Rendors-toi, Milo! Maman est partie loin, reste calme.
Jim, visiblement mal à l'aise quitta la propriété.
Paul se retrouvait seul avec son chien Woofy, qui faisait WOOF.
Grégoire avait retrouvé Woofy, maintenant il devait retrouver Paul, les deux ne se séparaient jamais.
Paul n'avait pas vu Grégoire, selon toute logique il aurait du le voir, Grégoire ne se cachait pas, il marchait à la vue de tous dans le jardin de Paul en portant un énorme gant de baseball, Woofy avait vu Grégoire, il aboya pour prévenir son maître, mais Paul ne fit pas attention et continua son repas. Lorsque Grégoire arriva devant Woofy, il lui tendit la main:
- Bonjour, je suis Jérémy, je viens réparer le lavabo défectueux!
- C'est par ici, je vais vous montrer.
Ainsi par ce stratagème audacieux, Grégoire pénétra dans le palais de Paul.
Paul était retenu au restaurant, un serveur avait fait tomber sa perruque dans le sel. Cela laissait assez de temps à Grégoire pour accomplir son méfait. Il s'introduisit dans la chambre de Nina où il trouva l'objet de sa recherche, le ballon que Paul lui avait volé lors de la rentrée des classes. Tout marchait comme sur des roulettes lorsque Luc se réveilla:
- Eh qui êtes-vous ? Reposez cette raquette!
Grégoire assomma la petite avec le maillet et sauta par la fenêtre. Il avait passé la frontière, plus personne ne pouvait l'arrêter maintenant. Se demandant que faire de sa nouvelle célébrité, il se rendit à la mairie pour officiellement changer de nom. Il se faisait appeler maintenant Grégoire, il aimait ce nouveau nom qui exprimait la peur et l'inquiétude.
Chapitre 2 : Le piège
Nous voilà donc six mois plus tard dans un appartement luxueux de Manhattan où se trouvait "Grégoire" depuis sa fuite. Il avait reconstruit sa vie comme cascadeur pour les grands films hollywoodiens. Actuellement, il se préparait à une scène mettant en scène un tigre pour "Tigres 3:Le retour de Cheetah". Grégoire n'avait pas peur des félins mais il avait peur des gros chats et des tigres. Plus d'une fois il songea à laisser tomber, mais son orgueil ne le lui permettait pas. C'est dans ces conditions qu'il reçut un coup de téléphone anonyme:
- Allô!
- Oui, Monsieur Jérôme Mulet ?
Le sang de Grégoire ne fit qu'un tour, on venait de l'appeler par son vrai nom, lui qui avait pourtant tout fait pour bien disparaître.
- Que voulez-vous ?
- J'ai quelque chose qui pourrait vous intéresser: Mathilde!
C'en était trop, Grégoire ne pouvait pas supporter que Mathilde soit en danger.
- Que lui avez-vous fait ? Laissez-la tranquille
- Retrouvez-moi dans un quart d'heure au pic du Midi.
Et il termina la conversation.
Grégoire était paniqué il passa la soirée à réfléchir aux implications possibles, puis quand vint l'heure de minuit, il se rendit dans le hangar abandonné.
Il y vit un homme vêtu d'une cagoule.
- Bonjour
L'homme se rapprocha et d'un geste fort se découvra, cette vision choqua notre protagoniste qui ne s'y attendait pas du tout.
C'était Grégoire...
Grégoire l'homme avec qui il allait à l'école et qui s'était enfui à New York pour fuir après une affaire douteuse de raquette.
- ça faisait un bout de temps, non, lui dit-il.
- Tu es parti depuis six mois sans laisser d'adresse.
- Ben je suis revenu maintenant.
- Pourquoi ce numéro grotesque, tu ne pouvais pas venir me voir ? lui dis-je.
- Je suis mourant m'avoua-t'il. Il ne me reste que six mois à vivre.
- Grégoire, c'est terrible mais qu'est-ce qu'il se passe ?
Il prit une longue inspiration et dit:
- Si je suis parti, ce n'était pas pour me cacher, loin de là, si je suis parti c'est parce que j'ai retrouvé mon père.
Je me souvenais que Grégoire avait perdu son père dans un parc d'attractions à l'âge de 23 ans et avait tout fait pour le retrouver depuis!
- Il se cachait en Belgique sous le nom de Guy Saie, j'ai trouvé son adresse et j'ai frappé à sa porte.
- Et alors, demandai-je.
- Personne n'a répondu alors j'ai défoncé la porte et il n'y avait personne à l'intérieur.
- Il s'était enfui, aussi ?
- Non, il était là, dans le placard.
- Il se cachait ?
- Non on l'avait caché dans le placard, parce qu'on l'avait assassiné.
- Ton père est mort ?
- J'ai appelé la police, apparemment c'est son voisin qui aurait profité d'une fenêtre ouverte pour le tuer.
- C'est horrible, vous avez arrêté le voisin ?
- Non, il était déjà parti loin, mais je ne perds pas espoir.
J'étais triste pour Grégoire qui venait de perdre son père devant ses yeux après plus de 30 ans de recherche.
Mais Grégoire n'avait pas fini son histoire :
- La maladie de mon père je l'ai aussi, c'est héréditaire, bientôt moi aussi je vais en mourir.
Tout s'expliquait à présent. Il ne restait qu'un point à éclaircir: Monique.
- Et Monique dans tout ça ?
- Monique ? Qui est Monique ? demanda-t-il l'air étonné.
- Tu sais ma femme, celle dont tu parles dans ta lettre anonyme.
- Quelle lettre anonyme ? De quoi tu parles.
- Celle que tu m'as envoyée pour qu'on se rencontre enfin.
- Mais je ne t'ai jamais envoyé de lettre anonyme, c'est toi qui m'a contacté.
Je pris soudain conscience de quelque chose d'effrayant, quelqu'un savait pour moi et Grégoire et nous avait réunis ici, on nous observait.
- Grégoire on doit partir, vite!
Nous nous mimes à courir vers la porte lorsque les espions se dévoilèrent. Ils étaient là de tous les cotés. Nous nous étions fait avoir comme des bleus. Tout le restaurant était dans le coup.
Le serveur nous força à nous rasseoir tandis que les clients braquaient leurs armes sur nous. Nous fûmes obligés d'obéir. Puis la vieille dame de la table 6 se leva et enleva sa perruque, mon dieu! c'était Marine.
- Grégoire, tu dois rendre la montre de ton père, c'est très important.
- Non, jamais! répondit-il.
Je connaissais l'attachement de Grégoire pour cette montre, son père lui avait donné pour son dixième anniversaire juste avant qu'il le quitte pour l'Espagne.
- Grégoire, sois raisonnable, donne la montre et aucun mal ne sera fait à personne.
Je comprenais Ludivine, mais je comprenais aussi Grégoire mon vieil ami, celui qui quand je suis entré au collège m'a offert son sandwich, celui qui m'avait défendu de mon prof de français en terminale, celui aussi que j'avais choisi comme témoin à mon mariage. La situation était cruciale. Je devais comprendre pourquoi ces voyous s'acharnaient tant à vouloir récupérer un vieux briquet. Je demandai à Grégoire de me prêter son briquet, il me le donna, et c'est là que je le vis:le sigle G.R.T. gravé sur le manche. ce n'était pas une coïncidence si nous nous étions rencontrés ce jour-là dans le TGV, Grégoire était sous contrôle depuis le début. M.P.T. était un sigle que j'avais bien connu puisque ma mère en faisait partie: le Mouvement Pour les Trains. Le père de Grégoire était certainement un membre important de leur organisation et cette montre devait contenir quelque indice sur l'emplacement du testament.
J'ai attrapé la poubelle qui se trouvait contre le mur et j'ai frappé notre agresseur, il tomba à terre ce qui laissa assez de temps à Lucienne et à moi pour prendre l'avion.
Lucienne me demanda où nous allions, je lui dis que nous devions de toute urgence retrouver Grégoire pour le prévenir.
Le lendemain, Paul et Gélatine atterrirent à Bruxelles. En descendant de l'avion, ils trouvèrent Grégoire avec un panneau qui les attendait. Ils mirent les bagages dans la voiture et ils roulèrent vers la maison de Grégoire.
Grégoire se moqua de la tenue de vacancier de Paul et Paul se moqua de la casquette de Grégoire.
A 14h37, ils arrivèrent à la plage pour se reposer ce dont ils avaient bien besoin après ces 6 mois de travail intensif.Leurs vacances durèrent trois longues semaines pendant lesquelles ce ne furent que sable et soleil. Mais hélas l'automne céda sa place à l'hiver et notre couple dut rentrer chez lui pour assister à la rentrée des classes de Simon et Nina. Simon entrait en 4è une classe importante et Nina en CP, une classe encore plus importante. Il était décidé que Paul irait avec Nina et Lucie avec Jojo. Lorsque la maîtresse vint chercher Paul, Nina eut un pincement au cœur en voyant son bébé partir pour l'école mais elle resta forte et retrouva Jim qui venait d’amener Jojo à son cours de natation. Jim était amoureux de Nina, mais Nina elle n'était pas amoureuse de Jim, ce qui rendait la situation compliquée. Jim essayait néanmoins d'intéresser Nina en lui apportant divers cadeaux. Là, il lui avait amené une boîte de chocolats, Nina était très reconnaissante mais Jim lui rappela qu'il les avait gratuitement grâce à son père. Le père de Jim était inspecteur sanitaire et avait le droit de ramener chez lui des échantillons des entreprises qu'il visitait. Il venait de prendre sa retraite récemment mais on lui amenait toujours des cadeaux. Jim et Nina se promirent de ne jamais plus se quitter et ils gravèrent leurs noms sur le chêne de Mme Rizon.
Lorsque Paul revint de son voyage, il trouva les initiales de Jim sur sa boîte aux lettres ce qui ne lui plaisait pas du tout, il fit venir sa fille et lui demanda des explications. Nina fit d'abord semblant de ne pas savoir mais bien vite, elle ne put continuer à nier :
- Oui c'est vrai, j'avoue j'ai cassé la fenêtre des Rizon.
- J'en étais sûr et pourquoi ça ?
- Parce qu'ils étaient méchants avec moi, ils m'ont invité à leur barbecue pour se moquer de mes cheveux.
- Vraiment ? Les Rizon se moquaient de tes cheveux ?
Nina fondit en larmes :
- Je ne veux plus jamais y retourner, papa!!!
- Ne t'en fais pas, à partir d'aujourd'hui c'est l'école à la maison.
Après tout, Paul était diplômé, il pouvait certainement assurer les leçons d'une enfant de 8 ans.
Nina était folle de joie, mais sa mère beaucoup moins :
- De quel droit prends-tu des décisions pour MA fille ?
- Elle était bouleversée, je ne pouvais pas la laisser.
- Ça suffit, j'en ai marre de toujours passer pour la mère ingrate et vous pour le sauveur magique.
- Je ne suis pas un sauveur magique, mais ils l'ont vraiment maltraitée.
- C'est à moi de voir si ma fille va bien, vous, vous êtes là pour vous occuper du jardin, vous n'êtes pas éducateur, vous n'avez même pas d'enfants!
Paul prit la dernière remarque de Violette très mal, alors il démissionna.
Maintenant, il devait se trouver un autre foyer, il se rendit au bar pour voir si Jim n'y traînait pas.
Il était au bar, mais Jim n'y était pas, tant pis se dit-il, il commanda un hachis parmentier.
L'homme à sa gauche lui donna un coup de coude, Paul était par terre sans savoir pourquoi.
Heureusement Jim passait dans le quartier et reconnut Paul parmi les blessés, il le leva et lui raconta toute l'histoire:
- Mon père n'était pas en Amazonie, c'était un mensonge, il est vraiment en Belgique, il se fait appeler Guy Saie, je dois le rencontrer demain, tu m'accompagnes ?
Paul ne pouvait refuser, alors il accepta.
Le jeudi suivant, Jim et Paul se trouvaient devant la porte de Monsieur Guy Saie, mais Paul n'osait pas ouvrir la porte.
- Tu dois ouvrir la porte, Paul, tu mérites de savoir.
J'avais peur, je ne voulais pas savoir ce qu'il y avait derrière la porte, je ne voulais même pas savoir qu'il y avait une porte, je voulais juste rester chez moi dans mon ignorance, tout cela était bien plus facile. Mais là, je ne peux faire marche arrière, je crois que c'est pour ça que j'ai demandé à Jim de m'accompagner, car il trouve toujours les bon mots pour m'aider.
- Merci, Jim, dis-je en appuyant sur la sonnette.
La porte s'ouvrit, et derrière se tenait celui que je recherchais depuis si longtemps…
Chapitre 3 : Le complot
- Grégoire, dis-je en lui tombant dans les bras.
- C'est bien toi, mon cher Grégoire, je t'ai enfin retrouvé.
Nous pleurions tous les deux remplis d'émotion.
- Paul, mais comment.. me demanda-t-il
- Ça fait trois mois que je te cherche dans cette jungle. J'avais fini par perdre espoir quand j'ai rencontré Angus.
Angus souleva son chapeau:
- Mes respects, monsieur Masure.
On lui expliqua tout, comment Angus avait trouvé la boussole, comment les perroquets avaient indiqué le chemin à suivre, comment le vieux Ouquin leur avait montré la cabane abandonnée.
Le père était très fier des efforts de Angus et il lui donna un bon point.
- C'est très bien, Angus maintenant va raconter ça à ta mère pendant que je m'occupe de monsieur Masure.
Paul fila dans la cuisine chercher des bonbons et les mangea sur la table à manger. Sa mère le surprit et lui demanda si il avait le droit de manger ces bonbons, Paul inventa une histoire comme quoi c'est son père qui le lui avait demandé. La mère n'eut pas la force de punir Paul, depuis que son père avait disparu, elle ressentait elle aussi un grand vide, mais elle savait qu'elle ne pouvait le combler en bonbons. Paul ne mangea pas le dernier bonbon, il l'offrit à sa mère, elle l'accepta pour faire bonne figure, Paul sortit pour jouer avec le chien et elle mangea le bonbon sans hésiter. Elle continua sa recherche maintenant débarrassée de son fils fouineur, elle chercha dans le frigo et sous l'évier quand le téléphone sonna, elle décrocha:
- Oui, maison Masure, que puis-je pour vous ?
Une voix automatique lut la phrase suivante:
- Êtes-vous abonné à notre nouveau magazine de cuisine ? Il contient toutes les astuces pour permettre à une jeune femme de réussir son poulet mayonnaise.
- Non, et je n'ai pas le temps pour vos bêtises, j'ai des invités qui m'attendent.
- Ce ne sera pas long, prévint l'homme au téléphone, quel est votre nom ?
- Je m'appelle Jocelyne Masure.
- Tout à fait, quel est le numéro du modèle défaillant ?
- Le 0-4-5-6-1-8-3-7-4.
- Vous appelez donc pour une friteuse, c'est bien ça madame ?
- Oui, soupira Jocelyne.
- Je vais vous mettre en relation avec le service Friteuse, ne quittez pas.
Une musique douce se mit en marche, Jocelyne n'en pouvait plus, elle devait se rendre à la mairie dans moins de 20 minutes et la voilà retenue par des histoires de friteuses.
- Service Friteuse, que puis-je pour vous ?
- Oui bonjour, mon nom est Jocelyne Masure, je...
- Enchanté, Jocelyne Masure, je m'appelle Laurence Odine.
Jocelyne n'avait aucune envie d'être interrompue dans son histoire et se contrefichait du nom de son interlocutrice, donc elle abrégea.
- Oui, c'est très intéressant, je vous appelle pour ma friteuse.
- Avez-vous un numéro de série ?
- Certainement, le 045226Z
- Vous disposez donc d'une friteuse DesignerPro de couleur rouge, c'est exact ?
- Oui, répondit Jocelyne qui commençait à regarder sa montre avec inquiétude.
- Je vais vous passer le service qui convient, ne quittez pas.
La 7è symphonie de Beethoven avait remplacé la voix d'Alice et Jocelyne continuait de râler contre ces sociétés qui faisaient attendre des heures.
- Service des friteuses rouges à votre service, je suis Dominique Coguenom, à votre service.
- Je m'appelle Jocelyne Masure et je...
- Je m'appelle Dominique Guenon, à votre service.
- Je voudrais savoir comment faire fonctionner cette friteuse.
- Avez-vous un numéro de série ?
Jocelyne eut envie d'exploser.
- Oui, et je l'ai déjà donné deux fois ce numéro de série.
- Je regrette madame, mais cela me semble improbable, je n'ai rien noté sur mon ordinateur.
- Je l'ai donné à votre collègue tout à l'heure.
- Ah, je comprends, c'est une erreur tout à fait compréhensible, voyez vous, je ne suis pas la même personne que ma collègue, donc il faudrait me donner ce numéro si vous voulez que je vous aide.
- Bon, c'est 0445258Z
- Vous possédez donc une friteuse électrique ?
- Oui, bien sûr.
- Je ne suis pas apte à vous aider pour ce genre de produits, je vais vous rediriger vers l'accueil.
- Mais... fut tout ce que Jocelyne eut le temps d'articuler avant de réentendre le 8è symphonie de Beethoven.
Elle regarda l'horloge, il ne restait plus que 3 minutes avant le retour de son mari, elle devait se dépêcher.
- Friteuse International, quel est votre problème ?
- Je désirerais allumer ma friteuse.
- Il suffit de presser le bouton ON à la base de l'appareil.
Jocelyne appuya le bouton, et par miracle l'appareil se mit à marche.
- Merci, c'est parfait
- Ravi de pouvoir vous aider, mademoiselle.
Jocelyne avait résolu son problème, maintenant elle pouvait se reposer. Un livre traînait sur la table du salon, "La Complainte de l'animal gris, poilu et attachant lors de l'évènement tragique qui lui fit comprendre la dure leçon du partage." Le titre prenait tout la place de la couverture, et l'illustration représentait une table coupée en deux flottant au dessus d'un ananas violet. La symbolique de cet arrangement lui avait toujours échappé, mais elle se rappelait avoir entendu que la banane était un symbole de chance chez les Péruviens. Malheureusement, elle n'eut pas le temps de lire, car il était l'heure d'aller chercher les enfants à l'école. Elle prit sa voiture et arriva à l'école avant tous les autres parents, excepté Grégoire. Grégoire était un sacré personnage, c'était le père de Daniel. Daniel était le meilleur copain de Jojo, donc elle se trouvait bien obligé de côtoyer Grégoire, mais cela la dérangeait profondément.
- Jocelyne, nous étions justement en train de parler de vous, dit Grégoire
- Vraiment, et en quel propos ?
Huguette pouffa, aussi loin que remontaient ses souvenirs, Jocelyne avait toujours vu Huguette pouffer.
- Nous parlions de vos talents de cuisinière, pouffa Huguette.
- Lors de la fête de l'école, vous aviez préparé une tarte aux cerises lui rappela Grégoire.
- C'est possible, répondit Jocelyne qui ne voulait pas passer pour une prétentieuse.
- C'était excellent, pouffa Huguette.
- Vraiment, ce n'est rien rétorqua Jocelyne
- Vous en avez une aujourd'hui ? demanda Grégoire.
Comment le savait-il ? pensa Jocelyne, il m'espionne ou quoi ?
- C'est-à-dire, que, en effet, j'en ai une dans la voiture.
- Nous pourrions la goûter, proposa Grégoire.
- Là ? Ici ? Ce ne serait pas raisonnable, les enfants vont arriver d'une minute à l'autre, nous leur donnerions un bien mauvais exemple !
Grégoire sourit avec son habituelle élégance.
- Raison de plus pour se dépêcher !
Jocelyne alla chercher le plat interdit et proposa une part à Grégoire.
Ils se dépêchèrent de tout manger avant l'arrivée des enfants.
- On devrait faire ça plus souvent, proposa Grégoire.
- J'adorerais, mais Paul est en permanence à la maison.
- Et alors ? Il pourrait participer aussi ? Pourquoi sommes-nous toujours obligés de nous cacher ?
- Tu sais très bien que c'est impossible, depuis son accident, il en est incapable. Ce serait mal de faire ça devant lui.
- Si il est tellement un poids pour toi, peut être devrais-tu le placer à un endroit mieux adapté pour les gens comme lui.
- Non, Paul ne s'en va pas, ce n'est pas négociable.
- Je sais, désolé, je ne voulais pas dire ça, je me suis emporté.
- Ce n'est pas grave, tiens Jojo arrive.
- Voilà les enfants, pouffa Huguette.
Damien fut le premier à sortir du bus.
- Papa! cria Damien.
- Damien cria Grégoire.
- C'était génial, papa, on a vu un ours, un vrai, et même qu'il nous a suivis jusqu'à l'hôtel et qu'on a du appeler les urgences.
- Ça a l'air très intéressant, tu me raconteras tout ça à la maison, d'accord.
Et Grégoire rentra avec son fils qui lui racontait pour la troisième fois comment l'ours avait mangé son sandwich.
- On faisait le pique-nique et la maîtresse a dit de partir en courant, alors je suis parti en laissant mon sandwich, et lorsque l'ours l'a vu, il l'a mangé.
Toute la famille explosa de rire à l'évocation de ce joyeux souvenir. Cependant, Grégoire avait un projet plus sombre à partager.
- Même si nous sommes tous friands d'histoires d'ours mangeur de chips, il me faut vous révéler une nouvelle.
Un silence se fit dans la pièce.
- Paul est vivant, révéla Grégoire.
- Mais c'est impossible, dit Damien en se levant, comment a t-il pu s'échapper de l'ours ?
- Je ne suis pas au courant des détails, mais Paul est vivant, il est caché chez Jocelyne, il est faible, mais il est vivant.
Le vieux grand-père prit la parole:
- Jocelyne nous a toujours aidés, peut-être pourrait-elle nous donner Paul en échange d'une quelconque babiole.
Grégoire se sentit obligé de répondre:
- Nous ne pouvons pas faire ça, Jocelyne ignore que je sais pour Paul, elle a volontairement menti devant moi sur son identité. On ne peut pas lui faire confiance. Je pense qu'elle est amoureuse de lui.
Huguette pouffa :
- Cette Jocelyne me semble bien désespérée.
- Peut-être, mais elle n'est pas stupide, n'oublions pas qui était son père.
- Son père n'était pas stupide, mais ce n'était pas un génie. Il avait de la chance la plupart du temps, c'est tout, trancha Jérôme.
Huguette pouffa :
- Tu ne t'es toujours pas remis de la course d'Atlanta, n'est-ce pas ?
- J'aurais du gagner cette course, j'étais le plus entraîné, dit Jérôme.
- Nous parlons d'affaires qui ont plus de trente ans, pourrions-nous nous concentrer sur Paul ? C'est lui qui possède la montre! dit Grégoire.
- La montre n'est qu'un détail, Greg. Elle ne ramènera pas ton père à la vie.
- Cette montre a été forgée par mon arrière-grand-mère pour les dix-sept ans de mon grand-père, nous la passons de génération en génération, elle devrait être à moi. Paul est un voleur et un menteur, je dois le retrouver.
Gertrude se leva pour répondre à son neveu :
- Paul est peut être un voleur et un menteur, mais ce n'est pas un meurtrier. Il y a des gens qui nous veulent du mal et nous devrions les prendre au sérieux au lieu de cavaler à la recherche de Paul.
- Mais ma montre...
- N'est qu'un objet que nous pourrons récupérer plus tard. Quel intérêt à retrouver ta montre si tu finis au fond de l'océan. J'ai un plan et tu vas le suivre, que ça te plaise ou non. Demain, nous partons pour Londres avec le catalogue pour le remettre aux autorités compétentes.
- Bien, tante Gertrude.
Grégoire savait que sa tante était raisonnable, mais il ne pouvait s'empêcher de vouloir se venger de Paul. Paul représentait tout ce qui était pourri dans le monde. Paul n'avait jamais eu besoin de travailler, son père lui avait toujours tout fourni, si Paul voulait une glace, son père achetait un morceau du Pôle Nord, si Paul voulait un animal sauvage, son père lui faisait cadeau d'un éléphant. Grégoire n'avait jamais eu la chance de connaître son père. Lorsque Grégoire rentrait chez lui, le soir, il n'y avait personne pour lui dire qu'il avait bien travaillé. Grégoire n'avait pour seule compagnie que sa tante Gertrude. Gertrude était très gentille avec Grégoire, il n'aurait jamais dit le contraire, mais au fond de lui, il aurait aimé autre chose. Le jour de ses 17 ans, on lui avait offert une montre. Une montre avec un diamant incrusté, une montre qui donnait l'heure et même la date des éclipses solaires, une montre qui valait tout l'or du monde. Paul avait vu la montre, et il l'avait désirée dès le premier instant. Il avait demandé combien il pouvait l'acheter et Grégoire lui avait dit qu'elle n'était pas à vendre. Paul était furieux, depuis il avait envoyé ses gorilles et il avait récupéré la montre sans avoir rien à payer.
Grégoire se perdait dans ses pensées, quand, soudain, on frappa à la porte.
- Ouvre et dis que je ne suis pas là, lui dit Gertrude qui allait se cacher au grenier.
Grégoire alla ouvrir la porte, et il fut abasourdi de découvrir Cynthia.
Chapitre 4 : Les retrouvailles
- Qu'est-ce que tu fais là ? Tu n'es pas au Congo ?
- J'ai démissionné. Je rentre définitivement.
- Vraiment ? C'est génial!
C'était vraiment génial, c'était la meilleure nouvelle de la journée, Cynthia était revenue. Tous les soucis de Grégoire semblaient s'effacer devant son sourire caramel.
- Je n'ai plus de maison, tu es au courant. Alors, je me demandais si je pouvais rester chez toi le temps que ça s'arrange.
Grégoire avait envie de crier un OUI puissant pour exprimer sa satisfaction, mais il avait peur d'être mal interprété alors il joua la défensive.
- Euh, je ne sais pas, la maison est déjà si petite. Bon, si tu le veux vraiment, je peux peut-être te faire une place.
- Ah... Si je gène, je vais chercher ailleurs. Merci, en tout cas.
Non, c'était terrible, elle n'avait pas compris la manœuvre, elle était sur le point de s'en aller. Grégoire se sentait complètement idiot, lui qui avait six chambres disponibles à l'étage.
- Non, reste, c'était une blague, en fait, je peux te loger, viens s'il te plaît, ce sera bien.
- Je ne te comprends pas très bien, Grégoire. Tu as changé en trois ans.
Grégoire se jeta par terre dans une démarche tout à fait ridicule qu'il ne comprenait pas très bien lui-même. Cynthia le releva.
- Mais qu'est-ce qui te prend ? ça doit faire très mal.
- Rentrons, on pourra parler comme ça.
Ainsi, Grégoire amena Cynthia à l'intérieur de sa demeure. Il referma la porte et se sentit puissant.
- Les recherches ont été catastrophiques, personne ne voulait nous aider, expliqua Cynthia.
- Il y a bien un musée qui vous achetait vos découvertes ?
- Notre principale activité était de faire la visite pour des gamins de cinq ans. Je n'ai pas supporté, alors j'ai fait mes valises.
- Tu as rencontré quelqu'un là-bas ?
- Qu'est-ce que ça veut dire ?
- Quand on reste longtemps quelque part, on fait des rencontres, c'est normal, non ?
- Je ne t'ai pas oublié, Grégoire. Chaque jour, je pensais à toi, c'est cette pensée qui m'a fait revenir.
- Je ne savais pas que c'était aussi clair, la dernière fois qu'on a parlé, tu semblais plus résignée.
- J'étais dévastée, j'avais trouvé ta lettre la veille de mon départ. Je ne savais pas quoi faire, j'ai pris une décision. C'était la mauvais décision, maintenant je le sais.
Ce moment magique fut interrompu par l'arrivée inattendue de Tata Gertrude.
- Alors mon neveu, on embrasse plus sa tata ?
Cynthia fut très surprise par l'arrivée de la vieille dame.
- Bonjour, madame, vous vous souvenez de moi, je suis la fille de Jean-Luc et Huguette.
- La petite Cynthia Dobert, dit la tante Gertrude en tirant ses joues. Alors, ma petite, on est revenu de la jungle ?
- Oui, les singes ne m'aimaient pas.
Grégoire ne pouvait supporter la présence de sa tante ici alors il lui demanda de venir dans la cuisine pour parler en tête à tête.
- Tu es folle de venir ici! Et si Paul était présent ?
- Si Paul était là, je l'aurais frappé avec ma canne, ce petit insolent.
- Cynthia n'est pas censé savoir que tu habites ici, tata, je lui ai fait croire que j'étais seul.
- Cynthia est-elle au courant pour Paul ?
- Elle a passé les trois dernières années dans un couvent en Italie, je pense qu'elle ignore tout de Paul.
- Paul est son cousin par sa mère, si je ne me trompe pas. Elle pourrait le soutenir, tu as pensé à cette éventualité ?
- Cynthia m'aime, tata, elle me soutiendra avant son cousin. C'est normal, non ?
- Si tu en es si sûr, pourquoi la gardes-tu dans l'ombre sur tes plans ?
Gertrude venait de toucher un point sensible. En effet, Grégoire était terrifié à l'idée que Cynthia rejoigne Paul.
- J'ai tout le temps pour parler avec elle, Paul est loin pour l'instant, il ne va pas attaquer dans les jours qui viennent, si ?
- Paul se repose actuellement, si on peut croire ton cousin Luigi. Notre dernier coup l'a beaucoup affaibli, il faut qu'il renouvelle son stock de lait s'il compte nous atteindre.
- Cela va prendre des mois, tata. Nous avons le temps de préparer notre défense.
- Et tu auras le temps de parler à Cynthia ?
Grégoire sortit son téléphone portable et composa un numéro.
- Regarde tata, ce que je fais, regarde... Allô ? Cynthia ? Viens chez moi, j'ai un truc à te dire! C'est très urgent ! Ok ! A tout de suite !
- Grégoire, tu es un idiot. Tu vas prendre peur et raconter n'importe quoi à Cynthia, nous le savons tous les deux.
- JE N'AI PAS PEUR! JE NE SUIS PAS MON PÈRE!!!!!!!
Gertrude avait rarement peur de son neveu, mais à ce moment précis, elle a cru qu'il allait la tuer.
- Mon chéri, je ne t'ai jamais comparé...
- NON, C'EST TROP FACILE DE CRITIQUER QUAND TOUT A ÉTÉ DIT, RENTRE CHEZ TOI!
- Mais enfin, Grégoire, j'habite ici.
- NON, JE TE VIRE, TROUVE-TOI UN AUTRE TOIT, DÉGAGE LE PLANCHER.
- Greg, tu n'es pas sérieux, je n'ai nulle part où aller.
- PARS OU JE TE PLANTE CA DANS LE VENTRE, hurla Grégoire en attrapant un couteau de boucher.
- Greg, je suis ta tante, je t'ai pratiquement élevé, je t'ai toujours aidé, je tricotais tes chaussettes, s'il te plaît. Tu ne penses pas ce que tu dis. Tu es en colère, mais cette colère n'est pas saine, c'est Paul qui a volé ta vie, pas moi. Pose ce couteau, trésor.
Grégoire sembla lutter contre lui-même avant de lâcher son couteau et de fondre en larmes.
- Je suis désolé... Je ne sais pas ce qui me prend, je ne veux pas te faire du mal...
Gertrude prit son neveu dans ses bras.
- Je le sais, trésor, je le sais. Un jour, tu guérira, j'en suis sûre.
Puis on sonna à la porte.
- C'est Cynthia, dit Grégoire.
- Fais comme si je n'étais pas là, je me cache en haut, dit Gertrude.
Grégoire alla ouvrir la porte à Cynthia.
- Salut, tu voulais me parler ?
- Bien sûr, entre.
Cynthia était venu avec son chien, Gropusse. Grégoire détestait Gropusse qui mettait des poils partout, mais il n'avait jamais eu le courage de le dire à Cynthia.
- J'ai un truc à te dire, Cynthia, ça concerne mon cousin, Paul.
- Oui, Paul, je l'ai déjà vu, il est blond, c'est ça ?
- Il est blond, tout à fait. Paul est le fils de ma tante Gertrude, tu connais Gertrude ?
- C'est ta tante qui t'offre toujours des chaussons, c'est ça ?
- C'est elle, en effet. J'aime beaucoup Gertrude, mais Paul est différent. Paul n'est pas un homme bien.
- Qu'est-ce qu'il a fait ?
- Quelque chose de très grave, je n'arrive pas à en parler, mais crois-moi, c'est horrible.
- Il t'a fait du mal ?
- Non, pas à moi, mais il s'est attaqué à un proche.
Dans un sens, ce n'était pas faux
- Il a fait quoi ?
- Il est allé chez Mario pour le menacer avec une arme. Il lui reproche de ne pas servir du pain assez frais.
- C'est un scandale.
- Paul a toujours été un peu bizarre. Quand on était enfants, il s'amusait toujours au dépens des autres, mais depuis quelque temps, il s'est mis en tête qu'il devait purifier la ville. Il me fait peur.
- Tu ne peux pas lui parler ?
- Il ne m'écoute plus, on s'est disputé l'autre jour et depuis il refuse de me voir. Je pense qu'il veut me faire du mal.
- Il pourrait s'attaquer à moi, tu penses ?
- Je ne pense pas, il ne te connaît pas, il ne fait pas le lien avec moi.
- Comment tu penses t'en sortir, tu vas appeler la police ?
- La police ? Surtout pas, qu'est ce que je leur dirais, je ne veux pas finir derrière les barreaux.
- Ce n'est pas si grave ce que tu as fait, tu sortirais vite.
- On parle de moi là, je refuse d'être enfermé où que ce soit. J'ai trop de choses à faire, il faut que je me rende à un congrès à la fin du mois, c'est très important pour mes recherches.
- Quel congrès, tu ne m'en a pas parlé.
- Je viens de le faire, non ? Je viens de l'apprendre. Pavtel a réussi la synthèse du cordonium, il va faire une grande démonstration, je dois absolument y assister.
- Tu veux savoir comment il fait ?
Paul éclata de rire lorsque Lucie fit cette remarque. Elle insinuait qu'il voulait apprendre quelque chose de Pavtel, ce qui était ridicule, c'était toujours Pavtel qui apprenait de lui.
- C'est si drôle que ça ?
- Je ne veux pas savoir comment il fait pour la simple raison qu'il ne peut pas le faire. La synthèse du cordonium est impossible sur une planète comme la notre où la teneur en hydrogène est aussi forte. Il y a un truc, une arnaque, c'est ça que je veux voir.
- Mais si ton cousin t'attend à ce congrès ? C'est peut être très dangereux.
- Mon cousin peut se rendre n'importe où. Je ne vais pas devenir paranoïaque. Il n'est pas infaillible, tu sais, si il me retrouve, rien ne dit qu'il en sortira indemne.
- Tu rigoles ?
- Je peux me défendre.
Il n'y croyait pas lui-même mais le simple fait de le répéter le poussait à entrevoir une réalité où c'était possible.
- Tu devrais venir avec moi.
- Et louper mon congrès ? et te mettre en danger ? non ce n'est pas sérieux, tu peux y aller toute seule.
- Je n'ai pas envie de te laisser aux mains de ton cousin diabolique, miraculeusement ressuscité et qui possède le seul objet capable de percer ton armure bionique.
- Je suppose qu'il pourrait percer mon armure bionique, je ne suis pas sur que cela marche comme ça.
- Il est possible qu'il puisse te faire du mal.
- J'ai reçu plusieurs lettres où il écrit noir sur blanc qu'il compte me faire souffrir.
Le chien se mit alors à hurler depuis la pièce voisine.
- Poofie, je l'avais oublié.
Lucie courut et alla chercher son petit animal qui mâchonnait tranquillement son os en carton.
- Mon pauvre choupinou, il s'ennuyait sans sa maman.
Le chien bavait de manière incontrôlée sur le tapis de Paul qui se retenait de ne pas exploser.
- Poofie n'a pas l'air très content d'être ici. Je crois qu'il ne m'aime pas.
Le chien avait compris d'une certaine façon qu'il était au centre de la conversation. Il s'était arrêté de baver et fixait Paul comme si il voulait le menacer. Paul était inquiet pour sa sécurité mais il espérait que le chien se retiendrait de l'attaquer devant sa maîtresse.
- Pas du tout, répondit Lucie. C'est un chien timide, c'est tout, il ne fait pas confiance aux étrangers. Vous allez bien vous entendre, j'en suis sûre.
-Pardon ?
-Je repars pour le Pérou demain. Tu vas devoir le garder.
-Quoi ? Tu repars ? Encore ? Pourquoi ?
- Je t'en avais parlé, on a découvert une montre. Il faut savoir si elle vient de l'époque molbienne ou si elle a été laissée là par un touriste.
- Mais n'importe qui peut le faire, pourquoi ça doit être toi ?
- Je sais que tu n'as aucune estime pour mon travail, mais pour la centième fois, n'importe qui ne peut pas le faire. Je suis la plus qualifiée et je suis la cheffe de projet, donc il faut que j'y aille.
- Donc je suis là pour garder ton chien, c'est comme ça que tu me vois ?
- C'est une grande marque de confiance de te confier mon chien, tu es la seule personne qui peut le faire. Alors oui, c'est comme ça que je te vois.
Grégoire ne savait plus quoi répondre à cette provocation. La situation en devenait ridicule.
- Tu m'as appelé en plein milieu de la journée pour m'annoncer une grande nouvelle et tout ce qui se passe c'est que je dois faire le dog-sitter ?
- Je ne pense pas que ce terme existe réellement, lui répondit-elle.
- Je me fiche de savoir si ce terme existe ! Je veux que tu aies le courage d'exprimer clairement tes sentiments.
- Si tu ne veux pas m'aider, je demanderais à Paul. Il est compréhensif, lui.
- C'est un crétin, s'énerva Grégoire.
- C'est peut-être un crétin, mais il ne m'a jamais abandonné. Où étais-tu toi, monsieur le génie, quand j'avais besoin de compagnie ? Où étais-tu l'année dernière quand on m'a retiré mon projet ? Où étais-tu quand j'ai eu mon accident ? Où étais-tu lors de l'incendie de mon appartement ?
- Je n'en reviens pas que tu me reproches tout ça. Je t'ai déjà demandé pardon pour ça, tu avais dit que tu ne m'en voulais pas. J'ai changé depuis, tu le sais.
- Tu n'es même pas capable de garder mon chien sans hurler que je manque de considération. Tu ne vois pas le problème ? Comment est-ce que je peux te faire confiance ?
Woofie avait commencé à se frotter contre le canapé, Grégoire ne le supporta pas.
- Il met des poils partout, c'est insupportable.
Lisa se leva en attrapant Woofie.
- Nous partons, je reviendrai quand tu seras calmé.
Elle claqua la porte, Grégoire se retrouvait une nouvelle fois seul. Il sortit son téléphone portable, choisit un nom dans le répertoire et appuya sa ns réfléchir sur la touche appeler.
- Allô, lui répondit la voix à l'autre bout du fil qui n’était autre que Paul.
Chapitre 5 : La lutte
- Je sais que ça fait longtemps qu'on ne s'est pas vu, ça te dirait de venir manger une pizza chez moi ce soir.
- D'accord, mais pas d'anchois, je suis allergique, lui répondit la voix.
- C'est noté, lui assura t-il.
Il raccrocha mais il n'eut pas le temps de ranger le téléphone dans sa poche que sa vieille tante lui posait déjà des questions.
- Qui était au téléphone ? demanda-t-elle.
- Personne, lui dit Grégoire qui n'avait pas envie de lui révéler qu'il était toujours en contact avec Paul.
- J'ai entendu ce que tu as dit, quelqu'un va venir ce soir, tu comptais me le dire ?
- Oui, tatie, j'allais te mettre au courant.
- Alors, qui va venir? Est-ce que c'est Maggie ?
- Je t'ai déjà dit que Maggie ne viendrait plus ici, tatie.
- Dommage, j'aimais bien Maggie, elle était gentille avec moi, elle riait à mes blagues.
- Elle avait surtout peur de toi. Elle faisait semblant de rire.
- Ce n'est pas vrai, dit-elle. Elle riait vraiment, tu ne peux pas mentir sur ce sujet.
- Tatie, enfin! Quelle importance ! Maggie est partie, elle ne reviendra pas.
-C'est de ta faute si elle est partie, tu n'avais qu'à pas oublier son anniversaire.
Grégoire se jeta sur sa tante et menaça de l'étrangler.
- Tais-toit tatie, tais-toi ! Tu ne sais rien du tout! Tu as envie de m'énerver ?
- Calme toi, mon petit, je ne voulais pas te mettre en colère.
Grégoire respira un grand coup puis se dirigea vers la cuisine pour se servir un verre d'eau. Lorsqu'il revint dans le salon, il remarqua que tout le monde était parti.
- C'était bien la peine de demander que je me presse.
On sonna à la porte. Il se dépêcha pour ouvrir.
- Bonjour, lui dit Paul. Pardon du retard, j'ai apporté une pizza.
Il présenta une délicieuse pizza aux anchois.
- On va manger cette pizza, dit Grégoire.
Ils se rendirent dans la cuisine, Paul prit une chaise, Grégoire prit un tabouret.
- Comment se passe la recherche ? demanda Paul.
- C'est plus lent que prévu. Les archives ont brûlé lors d'un incendie.
- Un incendie ? répéta Paul, interloqué.
- C'était lors de la grande tempête, il y a dix ans, tu t'en souviens ?
- Bien sûr que je m'en souviens, à l'époque je n'étais qu'un gamin, je n'avais pas dormi de la nuit. J'avais tellement peur, je serrais mon doudou pour qu'il me protège du mauvais temps.
- Bref, j'ai donc recherché dans les vieux journaux si on parlait d'un mariage. Pour l'instant rien, mais je ne perds pas espoir.
- C'est forcément mentionné quelque part, dans les actes de naissance?
- Ils ont brûlé, aussi.
- Ah oui, c'est vrai. Il faut absolument qu'on trouve un moyen de prouver la parenté, sinon on peut s'asseoir sur l'héritage.
- Je le sais bien, tu crois que ça ne m'intéresse pas de gagner cinq millions ?
- Deux millions et demi, corrigea Paul, nous devons partager le butin en deux comme convenu, n'est-ce pas cousin ?
- C'était une façon de parler, je serai ravi de partager la somme avec toi.
- Bon, j'ai faim, dit Paul, si on commandait une pizza ?
- Bonne idée, lui dit Grégoire, prends celle avec des ananas.
Paul passa la commande par téléphone alors que Grégoire relisait le même journal dans l'espoir d'y déceler une nouvelle information.
- J'ai lu ce torchon des dizaines de fois dans tous les sens, lui dit Paul, arrête de te faire du mal, il n'y a rien à en tirer.
Grégoire sourit et montra une photo à Paul.
- Et alors? ça ne veut rien dire, c'est juste monsieur le maire qui inaugure un lampadaire.
- Regarde sa montre.
Paul attrapa le journal et posa son œil contre la photographie puis il vit ce que Grégoire avait trouvé. Il explosa de rire.
- Depuis le début, nous cherchions l'agent X alors que c'était le maire ?
- Il me semble bien que oui.
- Cette montre, dit Paul, c'est la même montre que celle de notre grand-père, c'est la montre du Gang des Capuches. Comment l'a t-il eu ?
- Soit on lui a donné et c'est un membre du gang, soit il l'a volé et c'est un ennemi. Dans tous les cas, il connaît la vérité sur le Gang. Il faut qu'on le retrouve et qu'on l'interroge pour en savoir plus.
- Comment capturer le maire ? demanda Paul, il est toujours surveillé ?
- Il est toujours entouré de ses deux gardes du corps lorsqu'il est en déplacement. Par contre, à la mairie, si on arrive à passer les secrétaires, on peut l'approcher.
- Mais la Mairie est au cœur de la ville, qu'est-ce qu'on fait après, tout le monde va nous voir.
- On n'est pas obligés de la capturer, il suffit de lui faire suffisamment peur pour qu'il ne tente rien. Si on demande un rendez-vous à la mairie, il ne nous fera rien. Il doit garder sa couverture intacte.
- Combien de temps ça dure un mandat de maire ? demanda Paul
- Il est élu pour six ans, la dernière élection était il y a quatre ans, tu peux compter tout seul.
- Il lui reste donc deux ans, calcula Paul. C'est long, pendant ce temps il peut encore nous ruiner.
- Nous n'avons pas le temps d'attendre les prochaines municipales, tu veux que je te relise la lettre que j'ai reçue ?
- Bien sûr que non, dit Paul, je connais très bien les dangers.
- Alors agis ! Fais quelque chose ! C'est quand même dingue que tu me laisses faire les plus dangereuses missions.
- Ce n'est pas vrai, dit Paul.
- Tu passes toutes tes journées sur ce canapé à lire des vieux livres, ça ne sert à rien. Même si tu trouvais un indice sur l'emplacement de la pierre, rien ne dit qu'elle n'a pas bougé depuis cinquante ans.
Paul se leva et me montra la porte.
- Pars, je ne veux plus te voir !
Je lui fis remarquer que son comportement était puéril mais il refusait de m'écouter. Il avait visiblement très mal pris ma critique. J'attrapai alors mon sac à dos et quitta sa demeure. Je regardai ma montre, il était encore tôt, j'avais tout l'après-midi devant moi.
Je me dis qu'il ne servait à rien d'attendre que Paul trouve quelque chose et je pris en main le déroulement des opérations. Je me rendis à la mairie et exigeai de rencontrer le maire pour une affaire confidentielle.
- Quelle genre d'affaire ? demanda la secrétaire.
- Je ne peux pas vous le dire, je n'en parlerai qu'au maire.
- Monsieur le maire est absent, dit-elle, je peux lui laisser un message si vous voulez.
- Non, je ne veux pas laisser de message. Je ne peux en parler qu'au maire.
- Il n'est pas là, répéta-t-elle.
- Quand revient-il ? demandai-je.
- Il sera de retour mardi prochain.
- Mardi prochain ? m'exclamai-je. Mais pourquoi ? Où est-il ?
- Monsieur le Maire est actuellement au Japon pour assister à l'inauguration d'une copie de la grotte de Palerme. C'est une visite diplomatique très importante, c'est pourquoi il y reste plusieurs jours.
Je ne pouvais pas attendre jusqu'à la semaine prochaine alors que chaque jour était une nouvelle épreuve dans ma lutte pour la survie. Il me vint alors une idée farfelue, potentiellement dangereuse, mais je ne pouvais pas faire grand chose.
- Est-ce que vous connaissez bien monsieur le Maire ?
- Que voulez-vous dire par là, dit-elle d'un ton inquiet.
- Par exemple, est-ce que vous savez quel genre de montre il porte à son poignet ?
- Ah, ce genre de détails. Figurez-vous que Monsieur le Maire a une très jolie montre. Elle a des diamants incrustés et des symboles étranges, peut être du japonais... Il ne l'a pas depuis très longtemps, quelques semaines tout au plus. Lorsqu'il est arrivé avec ce bijou, j'ai tout de suite vu qu'il avait une nouvelle montre, alors je lui ai demandé et il me l'a montrée.
- Est-ce qu'il vous a dit comment il l'avait obtenue ?
- Non, je suppose qu'il l'a acheté. Monsieur le Maire est un homme très riche, vous savez, il a les moyens de se procurer tout ce qu'il désire.
Visiblement, elle ne savait rien d'autre, ,il n'y avait aucune raison de continuer à l'interroger.
- Une dernière chose, où est-elle cette montre, actuellement ?
- Probablement avec lui, je ne vois pas pourquoi il l'aurait laissé ici.
- Bon, merci d'avoir répondu à mes questions, vous pouvez vous en aller maintenant.
- Merci monsieur, dit-elle en se levant, quand est-ce que j'aurai les résultats ?
- Très bientôt, dit-il.
Elle attrapa son sac et s'en alla, laissant Paul seul avec ses pensées.
IL était si fatigué, la journée ne faisait que commencer et il avait déjà envie de retourner dans son lit douillet. Pourtant, il devait tenir, il ne pouvait pas apparaître comme ça devant les élèves. Il n'osait imaginer ce qui lui arriverait si les parents d’élèves se plaignaient au rectorat. Il devait à tout prix éviter que quiconque ne le découvre. C'est alors que Grégoire entra dans la pièce.
- Oh, tu es encore là ? C'est que j'ai besoin de la pièce pour mon cours d'histoire-géo.
Tout le monde savait que Grégoire était prof d'histoire-géo, mais il aimait le rappeler dès qu'il en avait l'occasion. C'était une manière pour lui de se distinguer des professeurs qui n'enseignaient pas les matières dignes de son intérêt.
- Je te laisse la salle, ne t'en fais pas.
Il fit un effort surhumain pour se lever et se maintenir sur ses deux jambes.
- Tu as réfléchi à mon projet pour les 3èB ?demanda-t-il.
Paul soupira intérieurement. Grégoire avait constamment des idées de projets plus ambitieux les uns que les autres. Le problème c'est qu'ils impliquaient souvent les autres professeurs. Dans ce cas précis, Paul devait bouleverser son programme pour faire étudier des chants révolutionnaires d'un poète colombien.
- Je trouve ça intéressant, mais je me demande si on ne pouvait pas ajouter un peu de variété à la liste des auteurs.
Grégoire tapa du poing sur la table.
- Tu ne comprends vraiment rien ! C'est désespérant ! Le but du projet c'est d'étudier l'évolution du style de à travers les époques. C'est la vision unique de l'homme que je veux mettre en avant. De la variété ? Est-ce comme ça que tu conçois l'apport du savoir ? La variété c'est bon pour les chaînes musicales, ici nous sommes dans la fabrique républicaine des nouveaux citoyens. Si ces mots ont encore un sens pour toi.
La raison pour laquelle tous les profs tentaient d'éviter Grégoire c'était pour échapper à ça: ses envolées lyriques et ses délires sur l'école républicaine. Il prenait ces sujets très au sérieux, bien plus au sérieux que n'importe qui ici.
- Je n'avais pas vu les choses sous cet angle, je vais y réfléchir, dit Paul.
- C'est une sage décision, dit Grégoire.
Paul s'enfuit pour ne pas avoir à continuer la conversation et dans les couloirs, il tomba sur Gertrude, la vieille prof d'anglais.
- Faites attention où vous allez, dit Gertrude en se relevant.
- Excusez-moi, madame dit Paul en ramassant ses cahiers.
Paul se dépêchait car il allait arriver en retard à son cours d'histoire-géo et le professeur Mr. Blanchard était très strict.
Lorsqu'il poussa la porte, le cours était commencé et Mr. Blanchard avait écrit une phrase au tableau.
- Toujours les mêmes qui traînent, apparemment.
- Désolé, monsieur, je me suis trompé de couloir.
- Taisez-vous, asseyez-vous et laissez les élèves méritants suivre ce cours.
Paul s'assit en silence.
- Je disais donc que la République avait été fondée par le peuple et pour le peuple. A quel régime s'opposait-elle ?
Aucun élève ne levait la main pour répondre alors le professeur prit une craie dans sa main.
- Si personne ne participe, je vais jeter cette craie au hasard dans la salle, et la personne touchée ira au tableau.
Devant le manque de réaction, Grégoire Blanchard lança la craie dans la tête de Paul.
- Au tableau, Paul!
Paul se leva douloureusement, il ne supportait pas d'être debout devant le reste de la classe qui le regardait avec ses paires d'yeux accusateurs.
- Paul, quel est le nom du système injuste et non démocratique qui a été remplacé par la noble République que nous connaissons aujourd'hui ?
Paul ne savait quoi répondre, il confondait toutes les notions.
- Le communisme ? tente-t-il.
Le professeur réagit avec effroi à cette réponse, il ouvrit la bouche sans prononcer le moindre son puis s'écroula par terre.
- Oh mon Dieu, s'exclama Tina, la déléguée de classe.
- Nous sommes dans un lieu laïque, je pense que ces références n'ont pas leur place ici, dit Hugo, l'autre délégué de classe.
- La ferme Hugo, dit Thomas, le président du club de théâtre du lycée.
- Laisse-le tranquille, s'interposa Daphné, la capitaine de la chorale du lycée.
- Taisez-vous, il faut qu'on trouve un moyen de se débarrasser du corps, dit Tina.
- Comment ? dit Hugo.
- Il est mort, dit Tina. Si on le trouve ainsi, ils nous accuseront, il faut nous trouver un alibi.
- Ils accuseront Paul, dit Hugo. Ils ne nous accuseront pas, pourquoi on devrait mentir pour protéger ce débile ?
- Paul n'est pas un débile, dit Tina, c'est notre camarade et en tant que tel, nous devons le protéger, qu'importe les conséquences.
- Merci Tina, dit Paul.
- Nous allons nous plaindre à la scolarité que le prof n'est toujours pas arrivé et qu'il a plus de dix minutes de retard. Pendant ce temps, il faut qu'on parvienne à sortir le corps de cette pièce. Personne ne pourra prouver que nous l'avons vu.
- Comment se débarrasser du corps ? demanda Daphné.
- On peut le jeter par la fenêtre, proposa Hugo.
- Bonne idée, dit Paul, les gens prendront ça pour un suicide.
C'est alors que le professeur se releva.
- Qu'est ce que vous racontez ? Vous êtes fous, ma parole ? s'exclama monsieur Blanchard.
- Ah, s'exclama Tina, il n'est pas mort!
- Je suis assez résistant, expliqua-t-il en sortant un revolver de la poche de sa veste.
Paul vit sa vie dérouler devant ses yeux, mais surtout il vit Tina jeter la brosse du tableau dans les yeux du professeur.
- Ahh, cria le professeur qui laissa tomber son arme.
Paul ramassa le pistolet, il n'en avait jamais tenu un de sa vie.
- Fais-le, lui dit Tina.
- Paul, le supplia monsieur Blanchard. Souviens-toi de tous mes cadeaux, je t'ai toujours protégé...
Paul ne réfléchit pas une seconde avant de presser la gâchette.
Grégoire Blanchard n'était plus.
Paul avait enfin vengé son père, mais il ne se sentait pas plus en sécurité pour autant. Un sentiment de profonde tristesse l'envahit, il s'écroula mais heureusement, Tina était là pour le soutenir.
- Je suis là, dit-elle. Tout va bien se passer maintenant.
Acte II : Le retour du héros
Cela faisait des mois que le patient 0 était endormi. Les spécialistes étaient peu confiants sur les chances d'un réveil. Il était actuellement dans la chambre 455 au dernier étage, l'étage où l'administration entreposait les "long-dormeurs" comme on les appelait. L'avantage du patient 0 est que son identité était complètement inconnue, donc il n'y avait aucune famille ou amis ou collègues pour venir importuner l’hôpital. Quelquefois, Jacques se demandait pourquoi on s'évertuait à garder en vie le patient 0. Il avait lui-même sérieusement pensé à s'introduire en pleine nuit dans la chambre 455 et détacher la tête du patient 0 avec l'aide de la hache de sa grand-mère. Il avait partagé cette idée avec Malicia l'autre jour en mangeant des endives mais sa réaction affolée l'avait dissuadé d'agir. Pourtant, même s'il ne songeait plus à faire le boulot lui-même, il ne pouvait s'empêcher d'entrer dans la chambre 455 tous les soirs avant de quitter les lieux. Il y avait quelque chose dans les traits du patient 0 d'indescriptible. C'était comme s'il n'était pas vraiment un être humain, mais un ange qui serait descendu des cieux pour apporter l'amour sur Terre avant de sombrer dans un coma irréversible. Jacques n'espérait plus rien, il savait que le patient 0 ne se réveillerait jamais et qu'un jour dans quinze, vingt ans, un nouveau directeur antipathique le débrancherait sans aucune retenue. Ce n'était pas une pensée triste pour Jacques, il pensait lui-même qu'il faillait laisser cet individu retourner d’où il venait, mais quelquefois, par les nuits de pleine lune, il entendait un frisson parcourir son oreille et Jacques aimait penser que le patient 0 communiquait sur les grandes question de la vie, de l'univers et de tout ce qui est. Si ce n'était pas un ange, il devait être avocat ou médecin ou plombier, quelqu'un qui vivait pour aider son prochain. Cette pensée rassurait Jacques lorsqu'il lisait le journal racontant les derniers massacres et accidents d'hélicoptère, quelque part dans la chambre 455 de l'hôpital Victoire-Marguerite se trouvait l'homme le plus tranquille au monde. C'était pour ça qu'il aimait tant voir le patient 0, il ne le jugeait pas. Il n'avait pas besoin de réfléchir à quoi dire pour paraître intelligent ou sympathique ou pour ne pas déranger, il pouvait juste réfléchir sans distraction. La visite au patient 0 était son meilleur moment de la journée il avait eu tant de révélations dans cette pièce, assis sur la vieille chaise bleue à contempler le dormeur. Il n'osait raconter à personne l'effet que cette chambre avait sur lui. Il avait partagé des histoires avec Malicia mais elle ne comprenait pas l'impact que ces sessions avaient sur lui. Une fois, il avait tenté de lui expliquer, ils mangeaient des frites dans un restaurant sordide et il avait mentionné le patient 0. Malicia coupa court à la conversation et expliqua qu'elle ne voulait pas parler de malades pendant qu'elle mangeait. Je n'ai jamais relancé la conversation. C'était inutile, elle voyait le dormeur comme un malade, je le voyais comme un dieu.
Il n'y avait rien. Il flottait dans le vide, il n'était pas sûr d'avoir un corps, il n'était en contact avec rien. Il ne voyait rien, il ne sentait rien, il n'entendait rien. La notion de temps était complètement absente, il n'y avait pas d'avant, il n'y aurait pas d'après, il avait toujours été là, il sera toujours là. Il ne pensait pas, dès qu'il se concentrait sur une notion, il oubliait la notion précédente. Il n'y avait aucun changement extérieur sur lequel se baser, aucun cycle, aucun mécanisme, aucune variation. Il n'avait aucune preuve de l'existence d'un monde extérieur. Il était peut-être seul dans l'Univers. Peut-être était-il l'Univers ? Il voulait réfléchir à cette question mais il oublia aussitôt qu'il avait une question. Il n'avait besoin de rien, il ne pouvait pas mourir. Il ne mangeait pas, il ne buvait pas, il ne parlait pas. Pour faire ces choses, il fallait une bouche, mais lui ne possédait rien, il était, c'était tout. Une éternité passa sans qu'il ne le remarque, une seconde fut plus longue que toutes celles qui précédaient, cela n'avait aucune importance. La Lumière apparut, grande, magnifique, destructrice. La Lumière était là et elle avait toujours été là, elle sera toujours là. Il voyait la Lumière, il n'était pas étonné, il ne se souvenait de rien. La Lumière lui montra l'espace autour de lui. Il distingua les formes et les couleurs, il aurait explosé de joie si il avait connu la joie. La Lumière était au centre de tout, elle était avec lui mais elle n'était pas lui. C'était une première, non ? Il ne se souvenait pas, il était occupé à chercher la Lumière. La Lumière n'avait pas de source, pas de direction, pas d'intensité, elle était là, posée à jamais. Il comprit qu'il n'était pas l'Univers, il fut rassuré, être un univers était compliqué. Il était avec la Lumière et il la remerciait de l'éclairer. Il se vit pour la première fois, il eut conscience de son propre espace. Il n'était pas droit, il avait des angles partout et des courbes et du volume. Son être était irrégulier, il aimait ça. Autour de lui, tout était parfaitement aligné, lui il dépassait. La Lumière l'aidait à se concentrer, il avait des repères fixes sur le monde extérieur, il avait la preuve que quelque chose existait en dehors de lui. Il tenta quelque chose d'inédit, il n'était pas sûr si c'était possible. Il le fit. Il était si heureux qu'il le fit encore pour vérifier si c'était toujours possible. Il se déplaçait. Lui qui n'avait jamais bougé, il bougeait. Maintenant, il avait toujours bougé et il bougera toujours. Il se dirigea vers les formes que lui montrait la Lumière. Il sentit le contact des formes contre lui, elles le bloquaient. Il n'était pas libre, il y avait des contraintes. Il devait trouver un moyen de passer outre ces formes, il lui fallait une stratégie. Il essaya encore, mais les formes le stoppèrent. Il continua encore et encore pendant des siècles, il ne faisait aucun progrès. La Lumière refusait de l'aider, il devait se débrouiller tout seul. Il eut la vision d'une solution, une autre vision du monde, une autre dimension dans laquelle se déplacer pour éviter les formes. Il avait raison, il avait réussi. Pour la première fois depuis le début des temps, il était en dehors de sa cage originelle, ce passé lui semblait si lointain comme s'il n'avait jamais existé. Une autre lumière était présente derrière les formes, elle était concrète et il la sentait contre son corps. Elle l'attrapait et tentait de le soulever, il ne comprenait pas, il se mit à crier pour la première fois de son existence.