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La malédiction du Ministre d'Etat

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Ministre d'Etat est un statut honorifique que le président peut donner à des gens qu'il aime beaucoup pour les mettre en avant. Dans l'ordre protocolaire, les Ministres d'Etat passent avant les ministres normaux et sur Wikipedia ils ont une sous-catégorie dédiée dans la page du gouvernement. Il n'y a aucune obligation à avoir des Ministres d'Etat dans son gouvernement, récemment il n'y en eut aucun de 1995 à 2004 (lorsque Sarkozy avait fait un caprice) et il n'y en avait pas non plus pendant le quinquennat de François Hollande. Seulement, après l'élection de Emmanuel Macron, il fallait montrer que la grandeur de la France était revenue et que le gouvernement était tout beau et très prestigieux donc on a créé trois Ministres d'Etat pour épater tout le monde. Voyons ensemble ce qui est arrivé à ces trois ministères.

Le premier Ministre d'Etat était François Bayrou, Ministre de la Justice. François Bayrou avait été remercié pour ne pas s'être présenté une quatrième fois à l'élection présidentielle en 2017 (même s'il n'avait aucune chance de gagner) et pour avoir rallié Macron pendant la campagne, devenant le premier parti sérieux à le soutenir. Dans les faits, le Modem a réussi à gagner 40 sièges et à constituer un groupe à l'Assemblée, ce qui montre que le Modem a plus profité d' En Marche que le contraire. A peine installé à son poste, Le Canard Enchainé rappelle aux gens l’enquête sur les assistants parlementaires des eurodéputés MoDem. François Bayrou annonce qu'il ne fera pas partie du deuxième gouvernement Philippe et en effet lors de l'annonce du nouveau gouvernement, Bayrou est remplacé par Nicole Belloubet qui a perdu le titre de Ministre d'Etat. La malédiction est donc rompue.

Le deuxième ministre d'Etat était Nicolas Hulot, Ministre de la Transition Ecologique (une manière macronnienne de parler de l'écologie). Nicolas Hulot était un magnifique trophée qui n'avait jamais accepté le poste de ministre qui lui avait déjà été proposé par plusieurs présidents par le passé. La culture populaire assimilait Hulot comme un grand symbole de l'écologie et donc cela fut vu comme l'exemple merveilleux de la "société civile" et du "dépassement des clivages". Hulot passa beaucoup de temps a raconter qu'il n'aimait pas être ministre, que c'était compliqué et qu'il ne servait à rien. Subitement, un matin d'aout 2018 en plein milieu de l'interview de Léa Salamé sur France Inter, Hulot prit la décision de démissionner, refusant de continuer à servir de caution verte. Cette décision provoqua l'embarras du président qui le remplaça par Francois de Rugy, actuel président de l'Assemblée Nationale. Cette action eut pour conséquence secondaire l'élection de Gilles le Gendre à la tête du groupe parlementaire LREM, décision regrettée de nombreuses fois depuis. François de Rugy conserva le titre de Ministre d'Etat, la malédiction était donc toujours active.

Le troisième ministre d'Etat était Gérard Collomb, Ministre de l'Intérieur et N°2 du Gouvernement. Ancien membre du PS, élu depuis 40 ans, maire de Lyon et sénateur, Collomb avait été la première "personnalité" à soutenir le candidat Macron. Les télévisions avaient passé en boucle l'image de Collomb, ému aux larmes, lors de l'investiture du nouveau président. Il était donc naturel de lui réserver une place de choix. C'est cependant en septembre 2018, à peine quelques semaines après la confusion du départ de Hulot que le ministre déclare qu'il va bientôt partir pour préparer les municipales de Lyon (qui avaient lieu dans 18 mois). La déclaration provoque l'embarras car, encore une fois, le président n'était pas au courant. Collomb dépose donc sa démission au président sous l’œil affamé de BFM mais le président la refuse. Le lendemain, Collomb donne une interview dans un journal où il expliqua qu'il allait quand même quitter son poste. La situation était intenable, Collomb est donc parti avant même qu'on lui trouve un remplaçant et c'est le Premier Ministre qui assura l'intérim pendant 10 jours. Finalement, c'est le fidèle compagnon Christophe Castaner qui eut l'honneur de devenir ministre de l'Intérieur mais pas le titre de Ministre d'Etat qui disparut. De ce côté là aussi, la malédiction était aussi rompue.

Le dernier Ministre d'Etat était donc François de Rugy depuis la démission de Gérard Collomb. Comme il était le seul, il était donc devenu de fait le N°2 du Gouvernement même si ça n'avait jamais été pensé et que c'était une coïncidence (cela servira plus tard de justification pour montrer la "fibre verte" du gouvernement en tendance "Enfin regardez, l'écologie est n°2 c'est bien la preuve qu'on s'y intéresse"). Tout se passait donc bien, jusqu'à la semaine dernière quand Mediapart a diffusé des photos et des récits de "diners" organisés par Rugy lorsqu'il était président de l'Assemblée Nationale. Cet article fut suivi par un autre article et encore un autre... Hier François de Rugy a démissionné, ce qui a été salué par la majorité comme une "décision courageuse". Alors qu'on pouvait s'attendre à une longue attente pour trouver un remplaçant à ce poste si important, je fus très étonné hier soir de lire qu'Elisabeth Borne, ministre des Transport déléguée au Ministre de la Transition Ecologique devenir tout simplement Ministre de la Transition Ecologique. Par chance (pour elle) le titre de Ministre d'Etat a complétement disparu, ce qui veut dire qu'elle devrait tenir à ce poste et que la malédiction est enfin brisée.

Il est peu probable de voir arriver de nouveaux Ministres d'Etat sous ce quinquennat, compte tenu du souvenir laissé par les précédents, mais il est possible que si on assiste à un grand remaniement après les municipales ou à un changement de Premier Ministre, ils fassent leur retour. Dans tous les cas, nous regarderons toujours de très près l'évolution du gouvernement. (17/07/2019)

Notes

* Vous noterez que comme Elizabeth Borne conserve son ancien portefeuille et que personne n'est arrivé pour la remplacer, il y a désormais plus de femmes que d'hommes dans le gouvernement. La parité est anéantie, que fait Marlène Schiappa ?

* Je viens de vérifier sur le site du gouvernement et Elisabeth Borne n'est même pas N°2, elle est N°5. Maintenant la N°2 du gouvernement, c'est Nicole Belloubet, ministre de la Justice.

Catégorie : Politique

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