Après des mois d'attente, nous y sommes enfin arrivés : les élections européennes. Si vous avez suivi ce site, vous savez certainement de quoi je parle. Je vous encourage d'ailleurs à consulter notre magnifique modèle avant dimanche (parce qu'après on aura les résultats officiels, et que donc il ne servira à rien parce qu'il sera vachement moins précis) pour vous préparer mentalement aux résultats. Ces élections ont lieu dans tous les pays de l'Union Européenne (même si le pays était supposé avoir quitté l'Union depuis deux mois) et elles sont étalées sur plusieurs jours. Nous les français, ainsi que nos amis espagnols (ayez une pensée pour Manuel Valls), votons ce dimanche mais certains pays ont commencé le vote hier.
Les Pays-Bas ont voté hier, et ce matin, à la radio, quelle ne fut pas la surprise des journalistes qui annonçaient fièrement "Les travaillistes ont gagné, ils arrivent devant les libéraux et les populistes" (l'usage inconsidéré et irréfléchi du terme "populiste" pour désigner tout parti qu'on n'aime pas ou pour minimiser l'extrême-droite est un des autres problèmes de cette époque que je ne vais pas traiter aujourd'hui). Ma principale surprise en entendant cette information fut plutôt "Tiens, ils s'appellent aussi travailliste aux Pays-Bas, je croyais que c'était un terme que l'on réservait aux britanniques".
Je vais devoir ici rappeler encore une fois le fonctionnement des élections européennes pour que vous compreniez bien mon propos. Chaque pays dispose d'un nombre de sièges qui est à peu près proportionnel à sa population (même si pas tout à fait), par exemple la France a droit à 79 sièges. Aux dernière élections, la France avait 74 sièges mais elle en a gagné 5 lorsqu'il a fallu se partager les sièges du Royaume-Uni (le Royaume-Uni n'ayant pas quitté l'Union Européenne, ils garderont ces sièges pour l'instant, ce qui veut dire que 5 eurodéputés français devront attendre plusieurs mois que les britanniques se barrent pour gagner leurs fauteuils). En France, nous avons 34 listes (c'est beaucoup et c'est un record historique), et donc on aura le choix entre 34 bulletins (même si nous n'aurons pas autant de choix le jour du scrutin car tout le monde n'a pas l'argent nécessaire pour faire imprimer les bulletins), après les votes seront comptabilisés. En France, le seuil nécessaire pour avoir des élus est de 5% (ce qui veut dire qu'il ne peut y avoir plus de 20 listes avec des élus), on répartit donc les 79 sièges parmi les listes ayant dépassé les 5% selon un calcul obscur mais savant. Après, tous ces gens se retrouvent au Parlement Européen et ils forment des groupes. Actuellement, le groupe le plus important est celui du PPE (Parti Populaire Européen) qui regroupes les partis de "droite traditionnelle" (en France c'est les LR ex-UMP mais dans d'autres pays ils accueillent des partis qualifiés de "populistes" par notre président). Le deuxième groupe est celui des socio-démocrates (en France c'est ce qui reste du PS) et dans toute l'histoire la majorité a toujours été constituée de ces deux groupes.
Donc, si vous avez bien suivi, vous avez sans doute compris que le but du jeu c'est d'essayer de faire élire le plus de personnes de sa liste pour après pouvoir former un super grand groupe au Parlement Européen. Une première difficulté se pose pour les électeurs, donc, car la grande majorité des listes ne précise même pas dans quel groupe ils comptent siéger (par exemple la liste de notre président est très floue sur ce sujet). Deuxièmement, certaines listes différentes comptent siéger dans le même groupe. Prenons l'exemple du Front de Gauche d'il y a 5 ans, ils ont eu des élus qui siégeaient au sein de la Gauche radicale. Le Front de Gauche était composé de mélenchonistes et du PCF, aujourd'hui les mélenchonistes de la France Insoumise sont dissociés du PCF mais ils représentent toujours le même groupe. Autre exemple : prenez le RN, DLF et Les Patriotes de Philippot, il serait très étrange qu'ils siègent dans trois groupes différents. Le fait est que dès qu'une liste dépasse les 5% elle envoie des élus, donc techniquement, chaque succès est important.
Imaginons que LREM dispose de 22 sièges et que le RN gagne 23 sièges, tout le monde dira "Oh mon Dieu, le RN a gagné" mais dans les faits les 22 sièges pourront s'allier avec les libéraux et autres centristes bizarres de tous les pays pour beaucoup plus influencer que le RN qui ne peut s'allier avec personne. Par contre, mettons que quelques votes RN transfèrent vers la liste DLF et qu'on se retrouve avec la configuration suivante : LREM (23 sièges), RN (21 sièges), DLF (5 sièges) la majorité dira "Regardez, nous avons battu les méchants populistes !" mais en fait, dans les faits l'union des "populistes" est plus importante dans cette configuration. C'est pour ça que toutes les listes qui ne sont pas les deux premières essayent de rappeler que l'ordre d'arrivée n'est pas le seul qui compte.
En effet, Glucksmann (le monsieur que le PS est allé chercher sans grande raison) passe son temps à dire que c'est pas bien que le président personnalise l'élection et fasse un match des "libéraux contre les nationalistes". Et pourtant, comment ont réagi ces mêmes personnes qui expliquent que l'ordre d'arrivée n'est pas significatif quand ils ont appris que les travaillistes étaient arrivés devant ? Le PS s'est empressé de féliciter les travaillistes qui avaient gagné (alors que non, ils n'ont pas gagné en fait). En conclusion, ne vous préoccupez pas de l'ordre d'arrivée, ça ne compte pas. Le RN arrivera premier, c'est triste, c'est regrettable, c'était déjà le cas en 2014 ça n'a rien changé. Votez pour qui vous voulez, tant que ce n'est pas pour ceux qui veulent remplacer l'élection par un "match du second tour" bis (ne votez pas non plus pour une liste de droite, faut pas exagérer quand même). (24/05/2019)
