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Justin Amash, le libertarien

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Bienvenue à cette deuxième partie de "A la recherche d'un troisième candidat" (je sais que c'est mal écrit mais vous vous rendez compte du temps qu'il me faudrait pour aller copier-coller un À ?) où nous tentons de savoir qui va pouvoir donner le choix aux électeurs américains.

Le parti libertarien a été fondé en 1971 et a nommé un candidat pour toutes les élections présidentielles depuis 1972. Leur plus grande réussite électorale eut lieu, ironiquement, lors de l'élection de 1972. John Hospers, leur candidat, n'était présent sur les bulletins que de 2 états et a récolté moins de 0,01% des voix mais lors de la seule élection qui compte, un grand électeur est allé contre son parti et a offert sa voix au ticket libertarien. Ce fut l'unique fois que le parti libertarien reçut un vote d'un grand électeur. Même s'il n'a aucune influence dans le collège électoral, le parti a grandi et reste le plus impressionnant au niveau présidentiel sur la durée. C'est à ce jour le seul parti (autre que démocrate ou républicain) qui a réussi à apparaître à plusieurs reprises sur les bulletins des 50 états.

Bien sûr, si on prend d'autres critères en compte, comme par exemple le nombre d'électeurs réels, l'apogée du parti se situe en 2016. Gary Johnson a reçu plus de 4 millions de suffrages et plus de 3% des votes, un record absolu. Cette performance peut s'expliquer par plusieurs raisons : un certain nombre de républicains hostiles à Donald Trump ont préféré soutenir Johnson, l'impopularité des deux principaux candidats a conduit certains indécis à ne pas vouloir choisir entre les deux, l'impression que tout était déjà joué et que la victoire d'Hillary Clinton était acquise a pu aider certaines personnes à "gâcher" leur vote qui n'avait pas d'importance. L'influence du score de Johnson est indéniable, dans 11 états (dont les trois qui ont décidé l'élection) son score était supérieur à l'écart entre Clinton et Trump.

Quand on voit ça, on se dit que le parti doit miser à fond sur 2020 pour reproduire une telle réussite. Après tout Trump est encore là et fait toujours du Trump et Biden est un candidat très peu inspirant qui peut facilement se retrouver au même niveau d'impopularité que Hillary Clinton. Il doit sûrement y avoir des candidats intéressants pour représenter le parti cette année, non ?

Je me suis intéressé aux primaires libertariennes (oui ça existe) organisées avant la Convention qui était supposée se tenir à la fin du mois mais qui a été repoussée à une date future à cause du COVID-19. L'utilisation des primaires pour le parti libertarien est assez surprenante puisque les délégués élus lors des primaires ne sont pas tenus de voter pour le candidat qu'ils représentent. Néanmoins, les résultats de ces primaires constituent le meilleur indicateur à notre portée. Ces primaires sont dominées par deux candidats : Jacob Hornberger et Vermin Supreme. Je ne cache pas ma préférence envers Vermin Supreme (si vous ne savez pas qui c'est, cherchez sur Google) mais il ne part pas gagnant. Vermin n'a pour l'instant gagné aucun état en dehors de la Nouvelle-Angleterre, tandis que Hornberger a remporté toutes les autres primaires. Il semblait donc admis que Hornberger porterait les couleurs des libertariens en novembre. Hornberger n'est pas particulièrement connu, il n'a même pas de page wikipedia, il n'a exercé aucune fonction notable, n'a jamais été élu et semble bien incapable d'attirer la curiosité des potentiels électeurs. Tout est-il perdu pour le parti libertarien ? Non, un homme peut les sauver, laissez-moi vous le présenter.

Justin Amash est né en 1980 dans le Michigan. Son père est un palestinien chrétien et sa mère est syrienne. Sa carrière est très classique, il fait des études de droit, devient avocat et est élu à l'assemblée locale du Michigan. En 2010, à seulement 30 ans, il se porte candidat à la chambre des représentants, gagne la primaire républicaine, est soutenu par le mouvement du Tea Party avant d'être facilement élu en novembre (les élections de mi-mandat de 2010 sont l'occasion d'une grande vague républicaine). Aussitôt élu, il participe à la création du Freedom Caucus, un rassemblement des républicains les plus conservateurs. Cependant, Amash n'hésite pas, quand cela va contre ses principes, à aller contre son parti. Amash se décrit comme un libertarien qui se méfie du pouvoir exécutif, ce qui signifie qu'il s'oppose à la surveillance de masse, la NSA et le Patriot Act. Il a beaucoup critiqué Obama lors de la guerre en Libye et considère qu'il faut retirer les troupes américaines du Moyen-Orient. Il s'oppose aussi à la peine de mort ce qui est assez inhabituel chez les républicains. Son attitude dérange certains groupes républicains traditionnels qui financent des candidats concurrents dans les primaires, Amash les a toujours battus. En 2016, Amash était très critique de Trump et avait refusé de le soutenir. Après son élection, Amash était l'un des rares élus républicains qui osait critiquer le président. En mai 2019, Amash avait fait sensation lorsque après la publication du rapport Mueller, il avait considéré que la conduite du président méritait son impeachment. Cette déclaration fit grand bruit, Amash fut conspué par ses collègues et Trump a tweeté pour le qualifier de "loser". Suite à ces réactions, Amash publia un édito dans le Washington Post du 4 juillet où il expliqua qu'il quittait le parti républicain pour devenir un indépendant. Amash devint donc le premier indépendant à siéger à la Chambre depuis 2007 (un certain Bernie Sanders). Plus tard, Amash fut le seul représentant non-démocrate à voter l'impeachment de Donald Trump. Finalement, après plusieurs mois de réflexion, le 1er Mai dernier, Amash a annoncé qu'il rejoignait le parti Libertarien et qu'il réfléchissait à soumettre sa candidature pour l'élection présidentielle de 2020.

Ceci n'est pas rien, c'est la toute première fois qu'un membre du Congrès américain s'identifie comme appartenant au parti libertarien. Amash est le premier représentant du parti. Alors, vous allez me dire que rien ne dit que Amash sera effectivement leur candidat, certes mais ce serait idiot. Si Amash est présent à la convention libertarienne (je pars du principe qu'elle aura lieu quelque part un jour), il est très probable qu'il soit nommé candidat. Depuis 2008, les libertariens ont choisi comme candidat des anciens républicains qui ont changé de parti après la fin de leurs mandats. Seulement Amash est d'un tout autre niveau, il a changé de parti en cours de mandat, cela devrait être beaucoup plus plaisant pour les militants. Vous allez me dire que Hornberger a gagné la plupart des primaires, mais cela n'a aucune importance, les propres délégués de Hornberger n'ont aucune obligation de voter pour lui. Qui pourrait croire qu'il choisiront un vieux monsieur (Hornberger a 70 ans) qui n'a jamais rien fait de sa vie contre un jeune homme dynamique qui a amené leur parti jusqu'au cœur du pouvoir ? Il ne tient qu'à lui maintenant de décider s'il veut être le troisième homme de 2020.

Bien sûr, cette idée ne plaît pas à tout le monde. Il y a toujours le risque que Amash "pique des voix" à Biden et aide la réélection de Trump. Des commentateurs très intelligent prétendent qu'on ne peut pas savoir si Amash pénalisera plus Biden ou Trump mais ils se trompent. Trump est apprécié par plus de 90% des républicains et Amash a insulté leur président en votant pour son impeachment. Les votants de Trump ne vont pas donner leur voix à un tel individu, par contre il existe certainement une frange de "modérés" qui aiment se croire en dehors des partis et qui détestent Trump qui peuvent tout à faire voter pour Amash. Il est de plus intéressant de noter que Amash est élu dans le Michigan, l'état dont l'écart de voix était le plus faible en 2016 (Trump avait moins de 0,3% d'avance), qui sait ce que 1 ou 2% de différence dans cet état peut faire ?

Existe-t-il un autre candidat capable d'atteindre la troisième place ? Nous le verrons demain dans la troisième partie de "A la recherche d'un troisième candidat". (05/05/2020)

Notes

* Les évènements récents mettent en doute le contenu de la prochaine édition mais je vous tease quand même "Un combattant chez les verts ?".

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